Dans le port d’Anvers, CMB.TECH construit les premiers camions à hydrogène à double carburant. Bien qu’il faille attendre un temps infiniment long avant que ces véhicules puissent être autorisés à circuler sur les routes, CMB.TECH croit en cette technologie. « Aujourd’hui, nous offrons une solution viable et abordable aux transporteurs qui veulent passer au vert », déclare Roy Campe, directeur technique, dans le dernier numéro de Flowsmagazine.
L’hydrogène est la molécule la plus petite et la plus abondante, avec une densité énergétique très élevée. Il convient donc parfaitement comme carburant alternatif, selon CMB.TECH, le groupe maritime basé à Anvers. Sous l’impulsion de son PDG, Alexander Saverys, le groupe maritime traditionnel est devenu un pionnier de la technologie de l’hydrogène, applicable non seulement aux navires, mais aussi aux trains et aux camions.
Dans l’atelier de l’entreprise doté d’une station de remplissage d’hydrogène sur le pont Siberia, dans le port d’Anvers, des camions « ordinaires » sont transformés en camions à double carburant.
Le vert
« L’un des grands avantages de l’hydrogène est qu’il peut être produit de manière écologique », souligne Roy Campe. « En se basant sur l’électricité verte, par l’électrolyse de l’eau, on peut produire de l’hydrogène vert. Roy Campe fait référence à un projet d’hydrogène vert du groupe en Namibie. CMB.TECH y a investi 30 millions de dollars avec l’entreprise familiale namibienne Ohlthaver & List dans une station-service produisant de l’hydrogène vert sur place. Cette production est assurée par un parc de plus de 7 000 panneaux solaires, car le soleil ne manque pas en Namibie. Au début du mois de mai de cette année, le roi Philippe s’est rendu sur place pour faire le plein d’ hydrogène vert du premier camion à double carburant.
Le camion à double carburant en question devait toutefois venir d’Anvers, de sorte qu’il n’y aura pas de ruée immédiate vers l’hydrogène vert local en Namibie. À cet égard, il n’y a pas de grande différence avec Anvers : à la station-service d’hydrogène d’Anvers, il n’y a pas non plus de longue file d’attente. « Avec les stations-service d’hydrogène, c’est un peu l’œuf ou la poule », répond M. Campe. « En principe, il devrait y avoir une station-service d’hydrogène tous les 100 km. Aujourd’hui, il y en a sept en Belgique, et une minorité d’entre elles peuvent également desservir les camions. Aux Pays-Bas, il y en a 15, en Allemagne environ 90, mais à peine la moitié d’entre elles conviennent aux camions.
Première étape
C’est là que la technologie à double carburant de CMB.TECH apporte déjà une réponse. « Elle est idéale pour la transition énergétique dans laquelle nous nous trouvons », explique Roy Campe. « La technologie de la bicarburation est aujourd’hui réalisable, abordable et fiable, car il est toujours possible de se rabattre sur le carburant conventionnel. Bien que ce soit notre objectif final, aujourd’hui, le client ne demande pas zéro émission, mais une certaine réduction au prix le plus bas possible. La bicarburation à l’hydrogène permet déjà de faire un premier pas : plus on utilise d’hydrogène, moins il y a de diesel et donc moins il y a d’émissions.
« En outre, le principe de l’hydrogène en tant que carburant est le même ; avec CMB.TECH, nous n’installons que la technologie de l’hydrogène et l’approvisionnement sur les camions conventionnels. Le reste du matériel, comme le moteur, peut être conservé. Avec des camions électriques, par exemple, tout est différent ».
Lelogisticien Van Moer s’est jeté à l’eau et a passé une grosse commande de 11 camions à hydrogène à double carburant auprès de CMB.TECH. Malheureusement, ces camions attendent toujours l’homologation nécessaire. « Nous avons un peu sous-estimé ce processus », admet M. Campe. « Nous devons prendre en compte non seulement les demandes des clients, mais aussi les approbations du camion converti. Si vous commencez à le modifier, vous devez également redemander certaines homologations. Pour le gouvernement, il s’agit d’une technologie totalement nouvelle et il ne veut prendre aucun risque. L’ensemble du processus est particulièrement long ».
Subventions
C’est le prix à payer par CMB.TECH pour être un pionnier. « Après tout, il s’agit d’une technologie révolutionnaire et nous sommes reconnaissants aux pouvoirs publics pour le soutien qu’ils nous apportent sous la forme de subventions », explique M. Campe. « VLAIO accorde une subvention de 40 % du coût de la conversion, mais il faut tout de même compter 125 000 euros pour passer d’une conduite normale à une bicarburation à l’hydrogène.
Ce coût supplémentaire est aujourd’hui un inconvénient. « Les marges ont fortement baissé et vous avez une conversion coûteuse pour le camion, ainsi qu’un carburant plus cher », explique Roy Campe. « Pour de nombreux transporteurs, la facture est vite réglée. C’est pourquoi CMB.TECH mise également sur d’autres véhicules. L’entreprise a par exemple lancé le premier bateau à passagers fonctionnant à l’hydrogène il y a quelques années, et depuis décembre 2023, un remorqueur fonctionnant à l’hydrogène opère dans le port d’Anvers avec l' »Hydrotug ».
« Dans le port, il y a beaucoup de besoins en équipements lourds, et pour cela, nous voulons fournir une application hydrogène à chaque fois avec CMB.TECH », dit Campe. « La technologie est la même et nous pouvons l’installer sur des remorqueurs, des camions, mais aussi des chariots cavaliers, des locomotives, etc. Nos ports sont les points névralgiques de l’hydrogène à partir desquels nous continuerons à déployer cette technologie.